Grégory Bensadoun, un gamin du Mont-Mesly, a réussi à se faire un nom. Il vient d’ouvrir son cabinet d’avocat à Paris, près des Champs-Elysées.
Il y a près de 20 ans, les gens le croisaient alors qu’il découpait la bidoche dans la boucherie de son tonton Jojo au centre commercial Kennedy à Créteil. Aujourd’hui à 41 ans, Gregory Bensadoun, l’ancien gamin de la cité du Mont-Mesly, reçoit un autre type de clientèle dans le luxueux cabinet d’avocats qu’il vient d’ouvrir à deux pas des Champs-Elysées. Des candidats de la téléréalité, des footballeurs professionnels, des chefs d’entreprise font désormais appel à ce pénaliste réputé.
Une trajectoire toute tracée ? C’est le contraire. Un chemin cabossé et tortueux que Gregory Bensadoun n’a jamais quitté. « Certains sont partis de zéro, moi j’ai commencé dans le négatif », résume l’intéressé.
Sa première plaidoirie en tant que délégué de classe
Il ne faut pas chercher très loin la vocation de cet avocat. Sa mère, vendeuse dans le prêt-à-porter à Créteil Soleil, doit élever seule ses trois enfants au Mont-Mesly. Le métier s’impose de lui-même. Ce sera avocat. Comme le premier qu’il a vu alors que, gamin, il accompagnait sa mère pour le divorce. « L’avocate prenait sa défense, se souvient-il. Et puis, son cabinet parisien était très beau. »
Au lycée Léon-Blum de Créteil, il plaide pour la première fois en tant que délégué de classe. « Un camarade devait se faire expulser pour une histoire d’incivilités. J’ai expliqué que l’école était le seul moyen de le sauver dans un contexte familial difficile. J’ai obtenu un avertissement solennel ! »
Un signe favorable mais il en faudra beaucoup plus pour réussir. « Comme je n’étais pas spécialement un bon élève, j’ai très vite compris que mon seul talent serait la volonté. » Grégory Bensadoun redouble sa terminale, finit par décrocher péniblement son bac et intègre la fac de droit de Créteil.
« Dès que le procès commence, il est sans concession »
Et là c’est la révélation. « Comme ma mère me répétait que l’avenir appartenait à ceux qui se levaient tôt, je ne voulais plus dormir. » C’est l’époque où, pour payer l’université, il enfile la blouse blanche du garçon-boucher à 5 heures du matin, suit ses cours la journée et se vêt de la robe noire le soir pour son stage dans un cabinet d’avocat. Repos le week-end ? « Pas vraiment, se marre-t-il. Je vendais des baskets aux puces de Clignancourt. En fait je me suis rendu compte que j’arrivais à gérer plein de choses en même temps. »
Le petit pénaliste — qui s’est fixé comme devise « d’abord la technique, la morale après » — est alors repéré par Joseph Cohen-Sabban, un ténor du barreau. Il continue d’abattre un boulot énorme. « J’ai dû plaider 5 000 affaires en correctionnelle, entre 50 et 100 aux assises. »
« Je voulais m’en sortir et devenir quelqu’un »
« Je l’ai eu comme contradicteur et contrairement à d’autres confrères, il fait vraiment la part des choses, a remarqué Me Yazid Benmeriem qui l’a connu au lycée Léon-Blum. Mais dès que le procès commence, il est sans concession. »
« A l’époque, j’avais évidemment de l’ambition, considère Gregory Bensadoun. Mais je n’ai pas fait tous ces efforts pour de l’argent. Je voulais m’en sortir et devenir quelqu’un. »
Alors que les clients sont de plus en plus nombreux, il lance son propre cabinet avec ses collaborateurs. Et veut maintenant se spécialiser dans le pénal des affaires. « On essaye de faire de la défense sur-mesure, explique-t-il. Il fallait un beau cabinet. » Il est même plus classe que celui qu’il avait découvert gamin.
Par Denis Courtine – 4 septembre 2018